Qu’est-ce que l’Innocence project ?
L’Innocence Project est une organisation non gouvernementale américaine créée en 1992 par deux enseignants de la Yeshiva University, une faculté de droit à New York. Grâce à leur action et à l’aide de leurs étudiants, Peter Neufeld et Barry Scheck parviennent à innocenter des prisonniers condamnés grâce à des tests ADN. Leur concept consiste à comparer les relevés ADN sur la victime et les lieux du crime à celui du condamné.
Aux Etats-Unis, grâce aux tests ADN, 245 personnes ont été ainsi innocentées après avoir été condamnées. Dix-sept d’entre elles avaient été condamnées à mort. Elles ont passé en moyenne 13 ans en prison. La plupart d’entre elles avaient été accusées d’agressions sexuelles, et près de 25% d’homicides. 70% de ces personnes sont issues de minorités ethniques.
Ce que dénonce l’Innocence project
Parmi les personnes innocentées, 75% avaient été « formellement » identifiées par un ou plusieurs témoins et la moitié l’avait été à cause d’expertises scientifiques erronées. Chose plus étonnante encore, 25% de ces innocents avaient avoué leur culpabilité. Étaient-ils passés aux aveux sans contrainte? L’innocence project relève les facteurs ayant poussés un innocent à s’accuser d’un crime qu’il n’a pas commis : pressions psychologiques, mauvais traitements, méconnaissance de la loi, menaces d’une sentence plus lourde ou incompréhension de la situation.
La relativité du témoignage humain
Aussi surprenant que cela puisse paraître, un quart des personnes innocentées avaient été soi-disant reconnues par deux témoins. 13% avaient été formellement identifiés par trois témoins ou plus.
Calvin Willis a-t-il été reconnu ?
Une nuit, en 1982, trois petites filles dorment toutes seules dans une maison de Louisiane. Un homme pénètre dans la maison et viole l’aînée, âgée de 10 ans. Lors de l’enquête, les fillettes livrent des portraits très différents de l’agresseur.
Durant l’audience, la police certifie que la victime avait désigné Calvin Willis comme le coupable. Mais la victime assure n’avoir jamais identifié le suspect sur les photos que les enquêteurs lui avait montrées. Malgré cela, Calvin Willis est condamné à la prison à vie.
En 2003, des tests ADN prouveront son innocence. L’association a comparé les prélèvements sur la victime et les empreintes génétiques de Calvin Willis. L’Innocence project obtient sa libération. Il a été emprisonné près de 22 ans pour rien.
La délation de mauvaise foi
Dans près de 15% des cas, un informateur indélicat a volontairement témoigné à tort contre l’accusé. Souvent en échange d’une réduction de peine.
Larry Peterson accusé par ses collègues
En 1989, quatre personnes, dont trois collègues de travail de Larry Peterson, affirment à la police que ce dernier leur a avoué être l’auteur d’un meurtre. Selon leurs déclarations, il leur a tout révélé lors d’une promenade après le travail.
En fait, ses collègues malintentionnés voulaient lui nuire. Lors du procès, le juge le condamne à la prison à vie.
La police a depuis découvert que Larry Peterson ne travaillait pas le jour où il aurait tout avoué à ses collègues. En 2005, des comparaisons génétiques effectuées par les enquêteurs de l’Innocence project confirment son innocence.
Les erreurs des experts
Dans plus de 50% des cas, des « expertises » scientifiques ont contribué à l’erreur.
Alejandro Dominguez, victime des expertises
A la fin des années 1980, l’identification d’un individu par son sang est encore expérimentale. En 1990, Alejandro Dominguez, un Mexicain de 16 ans, est accusé d’avoir violé et tué une jeune femme dans l’Illinois. Les enquêteurs retrouvent du sperme sur le cadavre. Au vu des expertises encore balbutiantes, le sang d’Alejandro Dominguez semble concorder avec l’échantillon de sperme.
Le scientifique chargé du dossier explique que les analyses sérologiques ne peuvent écarter l’hypothèse de la culpabilité d’Alejandro Dominguez. Il ne dit rien de plus. Il précise même qu’un tiers des hommes américains peuvent concorder avec l’échantillon.
Pourtant, Alejandro Dominguez est condamné à neuf ans de prison. Quatre ans plus tard, des tests ADN prouveront son innocence.
Mais le test ADN n’est pas la panacée. Selon l’Innocence project, les comparaisons génétiques ne sont possibles que dans 5 à 10% des dossiers criminelles.
Les faux aveux
Dans près de 25% des cas, les suspects avaient avoué être les auteurs des faits ou avaient plaidé coupable.
Les « aveux » extorqués d’Eddie Joe Lloyd
Une jeune fille de 16 ans est violée et tuée à Détroit en 1984. Eddie Joe Lloyd est malade. Du fond de son hôpital psychiatrique, il écrit des lettres à la police pour lui faire part de pistes susceptibles de résoudre plusieurs crimes, dont celui pour lequel la justice le condamnera.
La police l’interroge et lui donne des détails qu’il ne pouvait pas connaître. Abusant de sa faiblesse, les officiers le convainquent qu’en avouant le crime, il les aidera à débusquer le véritable tueur. Eddie Joe Lloyd avoue. Le juge aurait souhaité le condamner à la peine de mort, mais elle est interdite dans l’Etat du Michigan. Ce sera la prison à vie.