Sans Dieu il n'est point d'âme sage.
Comme, entre deux sages, celui qui meurt le plus vieux n'est pas en possession d'un bonheur plus grand que celui dont la vertu fut limité à un plus petit nombre d'années, ainsi Dieu n'a pas sur le sage l'avantage de la félicité, quand même il a l'avantage de la durée... Le sage voit avec autant d'indifférence, avec autant de dédain que Jupiter toute possession échue aux autres. Croyons donc Sextius qui s'écrie en nous montrant une route si belle : c'est par là " qu'on s'élève aux astres ", par là, par le chemin du détachement, par là, par le chemin de la modération ; par là, par le chemin du courage. Les Dieux ne sont point dédaigneux, point jaloux. Ils ouvrent leur seuil et à qui veut monter jusqu'à eux tendent leur main.
Tu t'étonnes qu'un homme ait accès chez les dieux ? Dieu descend chez les hommes. Non, la relation est plus étroite : il descend en eux. Sans Dieu il n'est point d'âme sage.
Dans chacun des corps humains une divine semence a été répandue. Si un bon cultivateur la recueille, elle pousse un germe qui rappelle son origine et la plante qui lève a tous les caractère de l'être qui l'a produite. Si l'ouvrier ne vaut rien, il fait comme fait un sol stérile et marécageux ; il tue la semence et fait naître les mauvaises herbes au lieu du bon grain.
Sénèque ( lettres à Lucilius )