Tu te trompes, Lucilius : de cette vie à la vie du sage on ne fait que monter. La sagesse te conférera lustre et renommé.
...Tu n'es pas certain de ce que tu veux; tu sais mieux louer les vertueux principes que les suivre; tu vois où réside la félicité, tu n'oses pas arriver jusqu'à elle. Or, l'empêchement qui t'arrête, puisque de toi-même tu ne le discernes pas bien, je vais le dire. Tu attaches une idée de grandeur aux choses que tu dois abandonner; ainsi, quand tu t'es représenté cet état de sécurité où tu dois passer, tu te vois retenu par l'éclat de cette vie mondaine avec laquelle tu dois rompre, comme si tu allais tomber dans un séjour d'abjection et de ténèbres.
Tu te trompes, Lucilius : de cette vie à la vie du sage on ne fait que monter. Ce qui différencie un brillant reflet et la lumière, celle-ci ayant sa source déterminée, qui est en elle, celui-là provenant d'un foyer étranger, différencie de même cette vie mondaine et l'autre. Cette vie mondaine luit d'un éclat rejailli sur elle du dehors : le premier venu, en s'interposant, y projettera tout de suite une ombre épaisse. L'autre tire de son fonds sa splendeur. L'étude de la sagesse te conférera lustre et renommé.
Sénèque (lettres à Lucilius)