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30 avril 2015

Être neuf chaque jour, au même endroit, vaut mieux qu'être le même à tous les points du globe.

Chemins   

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J'aime l'idée que la vie est un chemin, cela suggère que l'on évolue dans des milieux différents, que l'on fait des rencontres qui encouragent ou entravent notre marche. Cela n'induit pas que l'on aille toujours droit devant, on peut tourner en rond, se heurter à des broussailles, ou des murailles, ou des précipices ; on peut s'y piéger, s'y heurter ou y tomber. Mais l'idée de chemin néanmoins exclut les rails et ses déraillements, mais suggèrent le hasard, l'aventure, les repos ici ou là sous un buisson d'épineux ou un arbre majestueux, ses baignades dans des gours ou dans des retenues d'eau claire ; cela évoque la curiosité de notre regard porté sans jamais d'habitude, sur les autres, le paysage au loin, le vécu d'un orage ou d'une cagne assoiffante...

Cela n'empêche pas le souvenir, l'expérience, les pièges que du coup on peut déjouer, ou bien non, par inadvertance ou inattention.

Le chemin ne finit pas, c'est le marcheur qui s'épuise.

On se souvient, quand on s'arrête, du temps où l'on ne savait pas, et où la vie était belle ; marcher, est-ce croquer dans la pomme ? Perdre son insouciance peut-être spontanée ?

Parce qu'au début, on ne voit pas les gueux mourir dans les fossés, on voit peu les paysages, on lorgne les marcheurs, et juste l'air sur sa peau comme sensation de vitesse.

J'ai toujours cru en la vieillesse comme une éclaircie et toujours su qu'elle serait mon âge, l'âge où il n'est plus besoin de faire semblant, celui où l'on s'autorise.

Et puis, il y a le chemin intérieur avec toutes les interférences, les conjugaisons, des déclinaisons, le chemin qui importe en même temps qu'il emporte ; on peut rester le même au bout des océans ou bien se transformer dans le coin d'un divan.

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L'aventure intérieure est pleine de dangers, c'est pourquoi beaucoup gardent leur armure et ne l'entreprennent pas. Comme s'ils étaient posés une bonne fois pour toutes, chrysalide enfin métamorphosée et jusqu'au bout la même. D'autres le font mais oublient ce qui les entoure, en se coupant des réalités de ce monde, j'ai idée qu'ils ne peuvent pas aller bien loin. D'autres le font comme des chasse-neige, bousculant tout ce qu'ils rencontrent et ne retenant que ce qui arrange leurs ambitions.

Nous le commençons en suivant, en suivant le père, la mère, la fratrie, les professeurs ; puis en suivant les amis mais seulement parce que nous sommes ensemble, puis à deux, puis nous recommençons.

La plupart des chemins sont balisés et si on n'en prend pas conscience, qu'elles nous soient douces ou bien que l'on soit assez couard pour ne pas ouvrir les yeux, elles resteront. Bizarrement, ces balises ne sont pas des handicaps aux rencontres ou à la réussite, au contraire ; un chemin que l'on crée isole et devient un destin en soi. C'est la création, la création, pas l'exécution d'un talent qui relève de quelques facilités données, que l'on ne fait que suivre ; donc le risque.

Le risque n'est pas seulement dans ce qu'on entreprend, il est surtout dans ce que l'on apprend car quand on chemine, l'esprit ouvert, on écoute, on regarde, on retient, et, de fait, on apprend.

On apprend qu'on le fera, ce chemin de la vie, dans la même énergie que l'on est né et que tout ce qui s'est passé de drame, de traumatisme, d'abandon, de violence jusqu'à l'âge de quatre ans, cet âge de fin de maternage, est inscrit à jamais, ineffaçable et inguérissable ; certes, comme un cerveau endommagé trouvera d'autres connexions pour réparer, l'homme trouvera des subterfuges pour compenser ses manques et panser ses blessures, sans jamais parvenir à rendre insensibles ses cicatrices qui se rouvriront au moindre effleurement.

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Chemin est un joli mot, mais il ne faudrait pas qu'il induise que le chemin de la vie soit un déplacement perpétuel, comme cela semble être le cas aujourd'hui.

Pierre qui roule n'amasse pas mousse dit-on ; tout dépend de ce qu'on appelle mousse, mais il est vrai qu'on ne peut voir de la graine à l'arbre, de l'oeuf à l'abeille si on bouge tout le temps. Être neuf chaque jour, au même endroit, vaut mieux qu'être le même à tous les points du globe. Il y a du mouvement de toutes façons, ne serait-ce que les lumières, les saisons, les heures du jour ou de la nuit qui transforment un paysage que vous pouvez décréter connaître seulement si vous l'avez arpenté à chaque heure de chaque saison, aller/retour ! On peut voyager dans la profondeur, et son compagnon peut lui aussi être neuf chaque jour, tandis que les hommes d'un soir sont tous les mêmes puisque c'est soi prisonnier qui se prend dans la toile d'araignée.

Nous ne marchons pas toujours, parfois nous nous reposons, parfois nous paressons et surtout, souvent, nous reculons, emportés par un courant contraire...

Mais au bout d'une vie, on n'en a amassé des savoirs, ou bien des biens, c'est selon ; pas seulement par l'école, les études ou les lectures, mais par le regard, l'écoute ; plus on avance en âge plus on sait que l'ordre n'existe pas, néanmoins des schémas se profilent qui ne se démentent jamais. C'est le savoir empirique, le savoir du peuple, de ses paysans, de ses poètes et le savoir-faire qui se transmet(tait) est un acquis au plus profond de soi et non pas des couches qui s'ajoutent à des couches.. sans ancrage.

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 On apprend par exemple que le philosophe n'est pas un créateur, qu'il ne propose rien mais qu'il est observateur avec un œil singulier et qu'il s'inscrit tout entier dans le monde qu'il décrit ou dépèce.

On finit par savoir que l'image est mensonge et que le « je crois ce que je vois » n'a aucune raison d'être, par l'image, c'est sûr, par la vue, du simple fait que l'on voit ce que l'on veut bien voir ou ce que l'on veut nous fait voir.

On sait que quand on ne trouve pas de champignons, on n'est jamais sûr qu'il n'y en a pas mais quand on en trouve, on les voit et on se fiche de tous les ramasser. C'est allégorie.

On apprend le pourquoi des êtres, et sans pouvoir forcément le dire, le relief ainsi révélé masque l'apparence donnée, pour dévoiler le fond mal-caché.

On apprend que toute normalité cache bien des souffrances indicibles, bien des secrets et l'on ne s'étonne plus d'un suicide, d'une rupture, d'un meurtre, même symbolique.

Et puis, la fatigue de la marche venant, en ôtant la rébellion la colère, laisse un constat sans complaisance mais sans rejet ; ce n'est pas grandeur d'âme, juste le point réel de son impuissance. Car le pardon, la sagesse, peuvent être encore vus comme les atours d'un moi qui s'entoure de protections.

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Et puis ce chemin, inédit pour tous ceux qui vivaient dans un monde libre, tellement vanté comme libre, et qui ne pensaient pas croire ce qu'on leur disait mais apprendre en lisant, écoutant les informations, les analyses. La grille d'analyse était certes connue, d'un bord politique à l'autre, mais le contenu des infos n'était pas décodé comme induit par l'idéologie. Ainsi, j'ai cru, sans le savoir, que Ceaucescu était un monstre psychopathe, tout comme plus tard Sadam Hussein ou Kadhafi ; j'ai cru qu'on bourrait les urnes en Russie pour que Poutine soit élu et j'ai cru que ben Laden avait commandité l'attentat à New York. Et mille autres choses certainement que je n'avais alors pas de raisons d'approfondir, ces informations étant une part infime de ma vie. Sur ce chemin de hasard, ayant fait le rapprochement entre le Chomsky linguiste que j'avais étudié et le Chomsky dont j'entendais vaguement parler, je me mis en recherche de ses ouvrages.

Comprendre le pouvoir fut le premier volet qui me fut ouvert ; je l'ai dévoré comme on lit un polard, puis ne m'arrêtai plus.

Ainsi, j'avais pu vivre, en paix, dans ces mensonges, historiques, ou contemporains ; certes à l'époque je ne cherchais pas de cohérence, mais en y réfléchissant plus tard, alors qu'à l'époque cela ne me sautait pas aux yeux, à part nous, le monde était bien moche ! Je ne m'en sentais absolument pas flattée vu que j'étais déjà passablement rebelle et qu'à mes yeux rien n'allait par chez nous ; enfin surtout côté écologie. Non, juste passivement dupe et si j'avais la décence de ne pas parler politique, c'est que mon champ était rétréci au nôtre et que c'est dans celui-ci que je cherchais espoir ou solution pour l'avenir. Jamais je n'aurais imaginé qu'on me mentait à ce point tandis que lorsque j'ai commencé à le découvrir, j'ai été rassurée ; rassurée sur mon ressenti intuitif, quelque chose qui m'avait empêchée de pouvoir suivre les infos à la télé et, surtout, les débats !

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De tous les apprentissages que j'ai faits dans ma vie, de toutes les connaissances même bien maigres que j'ai acquises, celle-ci fut la plus foudroyante qui touchait tous les domaines et m'éveillait d'un sommeil consenti parce qu'ignoré. Et au fur et à mesure que j'avançais dans cette voie je pouvais de moins en moins tolérer l'innocent sommeil de l'autre. Ce que j'apprenais corroborait de multiples savoirs intuitifs que je m'étais bien gardé de révéler, mais une fois autorisés, les sachant m'appartenant, je ne pouvais plus les taire.

Que de brouilles, d'éclats, de rancoeurs et de réconciliations embrumées de méfiance.

Comme je me souviens de mon enfance et pardonne aux enfants, comme je me souviens de mon adolescence et pardonne aux adolescents, je me souviens de mon ignorance et pardonne aux ignorants. Guère néanmoins à ceux qui me toisent, et qui du haut de leurs certitudes, acceptées, validées, revendiquées même, m'écraseraient volontiers comme un cafard s'ils l'osaient. Ou bien les sourds.

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Pourtant, quand il m'arrive le soir de redescendre pour dégoter au fond d'un placard un vieux quignon gardé pour les chevaux et le dévorer sec ou couvert d'un peu de confiture parce que je n'ai pas assez mangé dans la journée, je ne m'en plains ni m'en inquiète, parce que je m'en fous, mais je sais que cette réalité me donne la capacité de conscientiser ce qu'un ventre plein trouve loisir à estomper. Et dans cette nudité, je n'arrive plus à comprendre comment on peut se leurrer pour vivre.

Car aujourd'hui, l'ignorance n'est plus permise et si je la concède aux jeunes tout envoûtés d'eux-mêmes, je ne veux plus l'admettre ailleurs.

C'est ainsi que je nous trouve globalement bien gâtés, bien dolents donc bien vils et s'il faut avoir le creux au ventre pour admettre la réalité, sans dogme, sans idéologie pour la filtrer, j'ai peur que beaucoup la connaissent dans des conditions plus dures que la mienne, et qu'il sera trop tard.

Mais le chemin nous montre, bien au delà des détails sans importance, que la réalisation de soi passe par la souffrance, dès la naissance, mais surtout que celle-ci n'est pas à craindre car elle est un état spécifique, initiatique et inévitable. Autant s'y plonger pour la vivre et ne pas la subir dans l'apathique déliquescence d'une vieillesse maladive ou la fuir dans les drogues de toutes sortes, dont certaines sont si primées aujourd'hui.

Auteur de l'article

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