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27 octobre 2012

Qui était Etty Hillesum ? "on voudrait être un baume versé sur tant de plaies".

Etty

Etty Hillesum a vingt-sept ans lorsqu'elle entame la rédaction de son journal, en mars 1941. Elle est morte en 1943 à Auschwitz. Au mois de février elle va rencontrer un homme qui va désormais focaliser sa pensée et son affectivité. Cet homme est le "psychochirologue" Julius Spier... La faculté qu'il possédait de percer les secrets de la vie par l'observation des mains semble avoir été stupéfiante et fascinante... Ces données un peu sèches sont impuissantes à suggérer, même de loin, l'influence bénéfique qui émanait de son travail. Pour Etty, en tout cas, il est le catalyseur de la tentative d'introspection systématique dans laquelle elle s'engage. Analyse menée sans relâche, qui prend bien souvent une dimension universelle : en se décrivant elle-même, Etty Hilleum décrit du même coup les possibilités humaines de chacun, et à tout moment de l'Histoire.

Hummingbird

En même temps se développe chez Etty un sentiment religieux qui paraîtra peut-être à certains lecteurs incompréhensible ou rebutant. Etty était une chercheuse de "Dieu" ; elle finit par éprouver dans sa vie même la certitude de l'existence de "Dieu". Dès ces premiers cahiers, on relève le mot "Dieu", mais il semble employé de façon presque inconsciente. Lentement mais sûrement se produit un glissement vers une expérience presque ininterrompue de la présence de Dieu.

Les écrits d'Etty prennent un ton particulier lorsqu'elle s'adresse à Dieu. Elle le fait très directement sans l'ombre d'une gêne. Le sentiment religieux n'est pas conventionnel ; elle n'appartenait à aucune communauté -ni à la synagogue, ni à aucune Église ; elle vivait sa foi selon son propre rythme. Dogmes, théologie et systèmes en la matière lui étaient totalement étrangers. Elle s'adressait à Dieu comme à elle-même. Tout au long de ces années, elle prend conscience d'être portée et nourrie par une réalité plus profonde que celle du monde extérieur.

Elle écrit :" Quand je prie, je ne prie jamais pour moi, toujours pour d'autres, ou bien je poursuis un dialogue extravagant, infantile ou terriblement grave avec ce qu'il y a de plus profond en moi et que pour plus de commodité j'appelle Dieu."
Sous la plume d'Etty, le nom de Dieu semble dépouillé de toute tradition ; des siècles de judaïsme et de chrétienté semblent n'avoir laissé aucune trace.

papillon

De quoi était faite la vie d'Etty avant la guerre ? Son père professeur de langues anciennes était un érudit qui entretenait de nombreux contacts avec le monde scientifique. Sa mère était d'origine Russe. Les parents d'Etty avaient une vie conjugale orageuse. Etty et ses deux frères étaient extrêmement doués.

Misha était un pianiste génial ; d'après de multiples témoignages, il était à ranger parmi les tout premiers pianistes d'Europe, ou l'eût été s'il avait vécu. Son talent n'était pas sans lui poser de grands problèmes et il dut même faire quelques séjours dans des établissements psychiatriques. Jaap le second frère d'Etty devint médecin.

"Mon pianiste de frère, qui a vingt et un ans fait un séjour en hôpital psychiatrique, m'écrit en cette énième année de guerre : " Moi aussi je crois, je sais même, qu'après cette vie il en existe une autre. Je crois même que certaines personnes sont capables de voir et de ressentir la présence de l'autre vie dans cette vie même. C'est un monde où les éternels chuchotements de la mystique se sont mués en réalité vivante, et où les objets et les mots de tous les jours, dans leur banalité, ont accédé à un sens supérieur. Il est fort possible qu'après la guerre les hommes soient plus ouverts à cette réalité et qu'ils se persuadent collectivement de l'existence d'un ordre supérieur du monde."

Refusant de perdre toute prise sur "un monde saccagé" elle part à la recherche des sources de son existence et trouve sa morale personnelle dans l'affirmation d'un altruisme absolu. Les derniers mots de son dernier cahier sont : "on voudrait être un baume versé sur tant de plaies."

1419193

La publication des lettres d'Etty complètera à tous égards l'image de sa vie, l'éclairera même, peut-être, la fixera. Je veux dire par là que c'est au camp de Westerbork, dans cet "enfer" comme elle le dit quelque part, que ses idées les plus profondes acquerront leur forme et leur validités définitives.

Le journal qu'elle tenait au camp a été perdu, il l'a suivi dans le train qui l'emmenait à Auschwitz : "j'emporte mes cahiers, ma petite bible, ma grammaire russe et Tolstoï"...Elle veut être le cœur pensant de la baraque, elle a pris la mesure de ses forces et ne cesse de répéter ce mots :" Tout m'est connu, aucune information nouvelle ne m'angoisse plus. D'une façon ou d'une autre, je sais déjà tout. Et pourtant, en dépit de tout, je trouve cette vie belle et riche de sens. A chaque instant."

"Je sais tout, je suis capable de tout supporter, je deviens de plus en plus forte, et en même temps j'ai une certitude : je trouve la vie belle, digne d'être vécue et riche de sens. En dépit de tout. Cela ne veut pas dire qu'on se maintienne toujours sur les sommets et dans de pieuses pensées. On peut être brisée de fatigue d'avoir longtemps marché, d'avoir passé des heures à faire la queue, mais cela aussi c'est la vie - et quelque part en vous il y a quelque chose qui ne vous quittera plus jamais."

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"Je comprends un petit fragment de l'Histoire, une petite parcelle des êtres. Mais je n'ai pas envie d'en parler maintenant, chaque mot pâlirait et se périmerait instantanément sous mes mains et appellerait un mot suivant qui serait encore bien loin de naître.

Si je pouvais noter à propos de la vie, des êtres et de Dieu ce que je pense, ce que je sens et ce qui m'apparaît parfois en un éclair avec une netteté aveuglantes je crois que cela pourrait être beau, j'en suis convaincue. Une fois encore j'aurai de la patience, j'attendrai que tout mûrisse en moi.

On a des angoisses trop fortes pour ce malheureux corps. Et l'esprit, l'esprit oublié, se racornit dans un coin. On vit mal, on se conduit indignement. On manque de sens historique. Le sens historique peut aussi vous aider à subir. Je ne hais personne. Je ne suis pas aigrie. Une fois que l'amour de l'humanité a commencé à s'épanouir en vous, il croît à l'infini."

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Commentaires
B
Merci pour cette belle âme pleine de compassion mais aussi d'un amour bien humain puisqu'elle aimait les hommes physiquement tout autant qu'avec un coeur pur et généreux... Et quelle écrivain !
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A
Je vais tâcher d'en parler ce soir à notre soirée de lecture mensuelle de notre cercle littéraire. J'ai découvert Etty Hillesum en 1985 ( voir mon article dans le numéro 140 de la revue Présences des anciens de la Faculté Warocqué ( Mons)
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L
j'aime tes orchidées passiflore et colibris<br /> <br /> moi il me faudrait un psycho-podologue :<br /> <br /> "je baise tes pieds qui sont venus" <br /> <br /> (ça doit être de l'anatole F)
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L
auschwitz est incompatible avec l'existence de dieu...ou alors il s'en fout complètement et aussi d'emma and co
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