La masse de cette planète, baptisée Gliese 581 g, laisse penser qu’elle est, comme la Terre et ses proches voisines,
Gliese 581 g, première exoplanète “peut-être” habitable
Le Monde, 1 octobre 2010
par Jérôme Fenoglio
En règle générale, les scientifiques détestent les “peut-être”. Ils les traquent, cherchant à éliminer toute incertitude ou approximation avant de publier leurs résultats. Il n’est qu’un domaine où ils sont si contents d’en dénicher un qu’ils le mettent fièrement en avant quand vient l’heure de présenter leur découverte. C’est la recherche des exoplanètes, ces mondes qui orbitent autour d’étoiles très éloignées de notre Soleil.
Mercredi 29 septembre, un groupe d’astronomes américains a ainsi accompagné l’annonce de ses trouvailles extrasolaires d’un feu d’artifice de “peut-être” et de “potentiellement”. Commençons toutefois par les faits les plus certains.
Trop loin pour une visite
Au bout de onze années d’observations, ces chercheurs de l’université de Californie et de l’Institut Carnegie à Washington ont réussi à détecter deux nouvelles exoplanètes près de l’étoile Gliese 581, autour de laquelle tournaient déjà quatre astres. En soi, l’exploit n’est pas mince. En analysant très finement, grâce au télescope hawaïen Keck, les variations du comportement de l’étoile, ils ont réussi à déduire qu’une de ces deux exoplanètes était d’une masse à peine trois à quatre fois supérieure à celle de la Terre. Et ils ont calculé qu’elle devait mettre trente-sept jours pour faire un tour complet de son étoile, une naine rouge, dont elle est éloignée de 20 millions de kilomètres.
Là commencent les suppositions. La masse de cette planète, baptisée Gliese 581 g, laisse penser qu’elle est, comme la Terre et ses proches voisines, de nature rocheuse et “potentiellement” capable de retenir une atmosphère. La distance qui la sépare de l’étoile est également compatible avec une température de surface qui rend “peut-être” possible la présence d’eau liquide. Atmosphère, eau liquide : deux conditions cruciales pour permettre l’apparition de formes de vie. La conclusion de cet enchaînement de déductions fait la “une” des médias mondiaux : Gliese 581 g est la première exoplanète observée “potentiellement” habitable.
Cette éventuelle compatibilité avec la vie ne veut pas dire que l’exoplanète soit accueillante pour une espèce telle que celle des humains. Plusieurs caractéristiques de l’astre empêchent d’aller jusqu’à cette supposition ultime. Notamment le fait que Gliese 581 g semble présenter toujours la même face à son étoile, comme la Lune avec la Terre. En accroissant les écarts de température entre les deux côtés de l’exoplanète, cette spécificité réduit les zones de la surface “peut-être” aptes à des conditions stables nécessaires pour l’émergence de manifestations rudimentaires de la vie.
Quand en aurons-nous le cœur net ? Pas avant très longtemps. Gliese 581 et ses six planètes se situent à près de 200 000 milliards de kilomètres de la Terre. Trop loin pour recevoir notre visite. Et, vue de chez nous, Gliese 581 g est trop noyée dans la lumière de son étoile pour pouvoir être observée directement. La vraie bonne nouvelle de cette découverte se situe du côté de la statistique. Dans le système exoplanétaire de Gliese 581, pas moins de trois astres se situent dans la zone théorique d’habitabilité. Deux à ses frontières et Gliese 581 g au beau milieu. Cette abondance fait monter la probabilité de trouver bientôt une exoplanète de mêmes caractéristiques et, cette fois, plus facilement observable pour éliminer les “peut-être” gênants.