Qui aimerait assiter à sa propre cérémonie funèbre ? Ils sont légion.

Distinctions :
Certains refus honorent. Ils valent bien des médailles. Jean Guillou, par exemple. Ce monsieur de 80 ans est le plus grand organiste du monde. Il a aussi composé des morceaux pour piano, pour trombone, il a inventé des instruments. Le 14 juillet dernier, il découvre que son nom figure dans la liste des nommés pour recevoir la légion d'honneur. Stupeur. Mais Jean Guillou a bien été choisi, en compagnie de Philippe Douste-Blazy, ministe étranger aux affaires, Jean-Paul Chiffet, le directeur général du Crédit agricole ( témoignage de l'époque où le ministre de l'Agriculture atterrissait à la Culture?), où encore Renaud Dutreil qui fut, en son temps, un Laurent Wauquiez. Il n'en veut pas. Il trouve ce hochet incongru, " à l'heure où la musique dite savante ou classique voit sa place diminuée par toutes les instances officielles.. ". Ce faisant, il rejoint le compositeur Maurice Ravel, qui avait refusé la légion d'honneur en 1920, ainsi qu'Hector Berlioz. " Je ne veux pas avoir l'air d'une vieille cantinière ! "
trancha George Sand. " Je prie le gouvernement de me laisser tranquille ", implora Honoré Daumier. " Je n'en vois pas la nécessité ", constata Pierre Curie. " Et maintenant qu'il porte cette croix/Proférer "merde" il n'en a plus le droit " fredonna Georges Brassens. La palme revient à Marcel Aymé : " Pour ne plus me trouver dans le cas d'avoir à refuser d'aussi désirables faveurs, ce qui me cause nécessairement une grande peine, je les prierais qu'ils voulussent bien, leur Légion d'honneur, se la carrer dans le train, comme aussi leurs plaisirs élyséens. "

On imagine mal Isabelle Balkany, Céline Dion ou Jean-Pierre Pernaut tenir le même discours... Il faut les voir, ces adultes battant des mains, prêts à gober leurs médailles. Il faut voir au moins une fois une cérémonie de remise de Légion d'honneur, cette flamboyante scène des vanités, où palpite l'archaïque désir de reconnaissance, la primitive soif de pouvoir, l'immémorial goût des apparats. Et le discours, en forme de salut mortuaire... Les couronnés adorent. C'est incompréhensible : qui aimerait assister à sa propre cérémonie funèbre ? Et qui souhaiterait, franchement, devoir subir une enquête préalable sur " son honorabilité " et sa " moralité " ? Heureusement, il reste des Jean Guillou. De beaux esprits nobles, sûrs d'eux, qui ont assez grandi pour se passer de berlingot.

Clara Dupont-Monod ( Marianne )

Patrice de Maistre, Ingrid Betancourt, etc, mais qu'ont-ils fait d'admirable pour mériter cette décoration ?