Marie-Ange s'est envolée une nuit de nouvel an.

Les souvenirs traversent parfois l'esprit alors qu'on les imaginait estompés, ce sont les plus marquants qui refont surface, ou les plus doux qui nous effleurent, laissant un brin de nostalgie sur leur passage. C'était en 1971 ou 1972, je ne me souviens plus exactement, je n'ai pas beaucoup de mémoire. Tant mieux, car ma vie, comme beaucoup, n'a pas été un long fleuve paisible et ce mauvais fonctionnement de l'esprit m'a permis d'oublier les moments les plus durs et de ne pas avoir l'esprit trop envahi par un arrière goût de cendre.

Celui-ci ne me concerne pas personnellement, il n'en reste pas moins tristement gravé en moi. J'avais 17 ou 18 ans, on était une petite bande d'amis insouciants. Un futur champion de formule1 était des nôtres, et sa future femme, à l'époque une de mes meilleures amies, parmi les plus drôles d'entre nous. Pour ce réveillon, nous avions été chez le copain d'un copain, nous ne le connaissions pas, ses parents lui avaient laissé la maison pour y fêter la nouvelle année.

Nous étions arrivés chez lui pour danser sur la musique pop du moment, flirter et nous comptions bien nous amuser toute la nuit. Celui qui nous invitait était plutôt charmant et sympathique, il nous avait présenté sa sœur, elle partait en moto avec son petit ami pour réveillonner dans une autre soirée. A quelques une ou deux années près, on étaient tous du même âge.

Mon premier grand amour était là, j'en ai eu bien d'autres depuis, mais le premier est celui que l'on n'oublie jamais vraiment. Il vint longtemps visiter mes rêves lorsque je n'était pas heureuse en amour. Puis, quand j'étais comblée, je ne rêvais plus de lui. Le subconscient est plein de symboles, en tout cas, je l'avais analysé ainsi autrefois.

J'étais heureuse et dansait comme une folle, j'ai toujours aimé danser. On buvait le champagne en riant, mon amour était là et la fête était vraiment réussie.

Je ne sais à quelle heure de la nuit le téléphone sonna, mais nous avions déjà souhaité une bonne année pleine de bonheur à nos amis, embrassades et cris de joie, nous commencions l'année nouvelle dans la liesse.

Notre hôte, ce beau garçon si cordial, alla répondre et revint blême. Il nous annonçait le décès de sa sœur dans un accident de moto. Il était sans doute très proche d'elle, cela se voyait lorsqu'il nous l'avait présenté et à peu près de son âge. Et, dans cette nuit qui devit être de joie, il dû appeler ses parents, et nous, repartir dans la désolation et le chaos de l'esprit le plus total...

Comme cette famille a dû souffrir, et, chaque année, assimiler cette nuit de fête à une nuit de deuil. Ces personnes habitaient loin de chez nous et nous n'avons plus entendu parler d'elles. Nous n'avons pas pris de nouvelles, nous ne les connaissions pas, et puis que dire ? On était jeunes, insouciants, hélas la réalité nous avait ramenés sur terre bien trop vite.

Cette jeune fille avait comme moi, 17 ou 18 ans, elle s'appelait Marie-Ange... Je n'ai jamais pu oublier cette nuit.