Quand la mer coule en nos veines... et que les astres sont nos joyaux.
Le contemplatif partiel laisse inaccomplies bien des choses qu'il devrait faire ; mais à titre de compensation, il s'abstient de faire une foule de choses qu'il ne devrait pas faire. La somme du mal, a dit Pascal, serait considérablement réduite, si seulement les hommes pouvaient apprendre à rester tranquillement dans leur chambre. Le contemplatif dont la perception a été " nettoyée " n'est pas tenu de rester dans sa chambre. Il peut vaquer à ses affaires, si complètement satisfait de voir et d'être une partie de l'Ordre divin des Choses, qu'il ne sera jamais tenté de s'adonner à ce que Trahene a appelé " les gentillesses malpropres du monde ".
Quand nous nous sentons les seuls héritiers de l'univers, quand " la mer coule en nos veines... et que les astres sont nos joyaux ", quand toutes choses sont perçues comme étant infinis et sacrées, quel motif pouvons-nous avoir d'être cupides ou d'affirmer notre moi, de poursuivre le pouvoir ou les formes un peu lugubres du plaisir ?
Les contemplatifs ont peu de chances de devenir des joueurs, ou des procureurs, ou des ivrognes ; ils ne prêchent pas, en général, l'intolérance, ni ne font la guerre ; ils n'estiment pas nécessaire de voler, d'escroquer, ni de pressurer les pauvres...
Aldous Huxley ( les portes de la perception )