Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
bichaublog
bichaublog
Newsletter
44 abonnés
1 février 2010

Giordano Bruno, le théoricien de la pluralité des mondes.


bruno

Giordano Bruno l'insoumis.

Philosophe, hérétique et martyr...
le théoricien de la pluralité des mondes fut trois fois excommunié.

On sait que Galilée, convaincu d'hérésie en 1633, fut réhabilité sur le tard par le Vatican. Infimes sont les chances que Giordano Bruno, brûlé vif à Rome en 1600, le soit lui aussi à son tour. Il est vrai que l'un abjura sans condition, l'autre refusant de se rétracter après sept années de séquestration dans les cachots du Saint-Office. Au-delà de cet endurcissement fatal, ce sont pourtant bien les thèses de l'apostolat italien né à Nola en 1548 qui n'en finissent pas de scandaliser.

Si l'Église catholique a très bien su s'accommoder au fil du temps des avancées de la cosmologie moderne, elle n'a jamais pu digérer en revanche les innovations métaphysiques de Bruno...Pourtant le "fol athéisme" répugnait entièrement à Giordano Bruno, qui soutenait au contraire que sa doctrine si controversée de la pluralité des mondes était la seule à être compatible avec l'inépuisable perfection divine. La prudence ne saurait uniquement expliquer cette foi affichée. La grandeur tragique de Bruno, c'est justement de n'avoir jamais su mettre un mouchoir sur ses certitudes.

Longtemps méconnu du fait de sa mise à l'index, ses nombreux traités et pièces littéraires sont désormais accessibles et permettent de cerner la radicale originalité des spéculations bruniennes.

" Fléau d"Aristote ", ainsi qu'il se définira plus tard, le jeune moine de San Domenico Maggiore de Naples se forme longtemps sans remous à la doctrine du Lycée et peaufine sagement son corpus thomiste. Les choses se gâtent au bout de dix ans. Il se signale alors par son intérêt pour l'hérésie arienne, qui minimisait la divinité du Christ, et se voit aussi accusé d'avoir dissimulé des scolies érasmiennes dans un " vase de nuit " ! Ces attractions peu orthodoxes, dûment dénoncées par certains frères, entraîneront son excommunication. La longue errance de Bruno commence alors à travers une Europe de tous les dangers.

Arrivé à Genève, une seconde excommunication le frappe sans tarder, calviniste cette fois. Sa rédaction d'un pamphlet raillant l'incompétence philosophique de La Faye, sommité universitaire de la ville, en est la cause directe. Des années plus tard, Giordano Bruno se verra aussi chassé d'Allemagne par les luthériens. Trois excommunications au total : un sans faute.

Le grand chelem de l'absence totale de compatibilité avec toute la chrétienté. Reste à comprendre ce que Bruno pouvait exactement attendre de la part d'Églises réformées dont il réprouvait violemment le dogme, qualifié par ses soins de " souillures du monde ".

Après le fiasco suisse, le maudit atterrit à Paris. Sa prodigieuse maîtrise de l'" art de la mémoire " y fascine Henri III, qui se pique alors de raffinement néoplatonicien, comme elle éblouira plus tard la reine Elisabeth I d'Angleterre. En faveur auprès des têtes couronnées européennes, Bruno ne se sent pourtant nullement tenté par une douillette carrière de philosophe à la cour. Il profite plutôt de ses années parisiennes pour affûter ses armes méthaphysiques et publier une comédie italienne, " le Chandelier ", où il ridiculise le pétrarquisme et les Trissotins humanistes de son temps.

A l'humaniste, il reproche en effet son scepticisme confortable et sa propension à placer l'homme au centre de la Création. Radicalisée, cette dernière critique devait déboucher sur la révision de dogmes majeurs du christianisme. C'est exactement ce à quoi s'emploiera Bruno en quittant Paris pour Londres.

Les docteurs d'Oxford, dont Aristote était le dieu intellectuel, le haïrent instantanément, s'effrayant même de sa façon de faire cours, manches retroussées, " comme un forains ". C'est pourtant à leurs côtés qu'il écrira la majeure partie de son oeuvre, à commencer par " De l'infini, de l'univers et des mondes ", ainsi que la fameuse " Expulsion de la bête triomphante ", sans doute le texte le plus dangereux jamais écrit de mémoire d'homme.

Avec une audace sans bornes, Bruno déploie dans ces textes une vision du monde plus proche de celle d'un Nietzsche ou d'un Pessoa que de n'importe lequel de ses contemporains.

L'effet d'une cause infinie étant nécessairement infini, il st tout à fait probable que le cosmos soit peuplé de " corps célestes offrant les mêmes qualités que les nôtres, voire des qualités supérieures ".

La conquête de l'Amérique lui offre aussi l'occasion d'opérer une critique radicale de l'euro-centralisme chrétien. Les conquistadors, écrit-il, se sont rendus coupables " de troubler la paix d'autrui, de violer le génie des peuples, de confondre ce qu'avec prévoyance la nature avait distinguée, de redoubler les maux du monde par les effets du commerce ". Ainsi Bruno repousse-t-il toute idée de mission civilisatrice dans la mesure où les Indiens d'outre-Atlantique participent déjà, sans notre secours, de l'universalité divine.

Vingt et un interrogatoires.

S'il revenait aujourd'hui, Giordano Bruno serait-il à nouveau condamné ? sur le bûcher de l'opinion, sans nul doute. Aussi cassant à l'égard de la population ignorante que des doctes ânes, ce genre d'homme est rarement à la fête de son vivant.

C'est finalement la trahison minable d'un bourgeois vénitien, vexé par un contentieux d'ordre privé, qui livra Bruno à l'Inquisition. Son procès ne fut pas vraiment à la hauteur de l'enjeu. Durant vingt et un interrogatoires, Bruno tenta de manoeuvrer avec courage, ne lâchant que sur des points de détail, mais il eut plus souvent à répondre de calomnies grossières qu'à s'expliquer sur le fond de sa pensée.

Après des années d'atermoiements et d'espoirs trahis, le cardinal Bellarmin, jeune ambitieux qui sera béatifié en 1930, décida de précipiter l'affaire et d'offrir enfin à son pape une belle flambée. Refusant d'acheter sa vie au prix de sa pensée, on peut considérer que Giordano Bruno resta jusqu'au bout fidèle à la devise de l'ordre dominicain qui l'avait autrefois chassé, Verbo et exemplo, par le verbe et par l'exemple.

Aude Lancelin

Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
bichaublog
  • L'amour, la philosophie, la sagesse, toutes les injustices et les misères de ce monde, la beauté et les merveilles de notre planète, et son créateur, mais aussi, les faits d'actualités, la politique, les magouilles de ceux qui nous gouvernent.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Visiteurs
Depuis la création 1 560 431
Publicité