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23 décembre 2009

La source la plus vivante du progrès de l'esprit humain, c'est la notion de solidarité.

colibri

Mon siècle a fait jaillir les étincelles de la vérité qu'il couve ; je les ai vues, et je sais où en sont les foyers principaux, cela me suffit. J'ai cherché jadis la lumière dans des faits de psychologie. C'était absurde. Quand j'ai compris que cette lumière était dans des principes, et que ces principes étaient en moi sans venir de moi, j'ai pu, sans trop d'effort ni de mérite, entrer dans le repos de l'esprit. Celui du cœur ne s'est point fait et ne se fera jamais. Pour ceux qui sont nés compatissant, il y aura toujours à aimer sur terre, par conséquent à plaindre, à servir, à souffrir. Il ne faut donc point chercher l'absence de douleur, de fatigue et d'effroi, à quelque âge que ce soit de la vie, car ce serait l'insensibilité, l'impuissance, la mort anticipée. Quand on a accepté un mal incurable, on le supporte mieux.

Beaucoup d'êtres humains vivent sans se rendre un compte sérieux de leur existence, sans comprendre et presque sans chercher quelles sont les vues de Dieu à leur égard, par rapport à leur individualité aussi bien que par rapport à la société dont ils font partie. Ils passent parmi nous sans se révéler, parce qu'ils végètent sans se connaître, et, bien que leur destinée, si mal développée qu'elle soit, ait toujours son genre d'utilité ou de nécessité conforme aux vues de la Providence, il est fatalement certain que la manifestation de leur vie reste incomplète et moralement inféconde pour le reste des hommes...

La source la plus vivante du progrès de l'esprit humain, c'est, pour parler la langue de mon temps, la notion de solidarité. Les hommes de tous les temps l'ont senti instinctivement ou distinctement, et toutes les fois qu'un individu s'est trouvé investi du don plus ou moins développé de manifester sa propre vie, il a été entraîné à cette manifestation par le désir de ses proches ou par une voix intérieure non moins puissante. Il lui a alors semblé remplir une obligation, et c'en était une, en effet, soit qu'il eût à raconter les évènements historiques dont il avait été témoin, soit qu'il eût fréquenté d'importantes individualités, soit enfin qu'il eût voyagé et apprécié les hommes et les choses extérieures à un point de vue quelconque.

Il y a encore un genre de travail personnel qui a été plus rarement accompli, et qui, selon moi, a une utilité toute aussi grande, c'est-à-dire l'histoire de son propre esprit et de son propre cœur, en vue d'un enseignement fraternel. Ces impressions personnelles, ces voyages ou ces essais de voyage dans le monde abstrait de l'intelligence ou du sentiment, raconté par un esprit sincère et sérieux peuvent être un stimulant, un encouragement, et même un conseil et un guide pour les autres esprits engagés dans le labyrinthe de la vie. C'est comme un échange de confiance et de sympathie qui élève la pensée de celui qui raconte et de celui qui écoute. Dans la vie intime, un mouvement naturel nous porte à ces sortes d'expansions à la fois humbles et dignes. Qu'un ami, un frère viennent nous avouer les perplexités et les tourments de sa situation, nous n'avons pas de meilleur argument pour le fortifier et le convaincre que des arguments tirés de notre propre expérience, tant nous sentons alors que la vie d'un ami c'est la notre, comme la vie de chacun est celle de tous. "J'ai souffert les mêmes maux, j'ai traversé les mêmes écueils, et j'en suis sorti ; donc tu peux guérir et vaincre." Voilà ce que l'ami dit à l'ami, ce que l'homme enseigne à l'homme. Et lequel de nous, dans ces moments de désespoirs et d'accablement où l'affection et le secours d'un autre être sont indispensables, n'a pas reçu une forte impression des épanchements de cette âme dans laquelle il allait épancher la sienne ?

Le récit des souffrances et des luttes de la vie de chaque homme est donc l'enseignement de tous ; ce serait le salut de tous si chacun savait juger ce qui l'a fait souffrir et connaître ce qui l'a sauvé...

C'est là que revient toujours la terrible question : pourquoi Dieu, faisant l'homme perfectible et capable de comprendre le beau et le bien, l'a-t-il fait si lentement perfectible, si difficilement attaché au bien et au beau ?

Dieu, qui voit nos larmes à notre insu, et qui, dans son immuable sérénité, nous semble ne pas en tenir compte, a mis lui-même en nous cette faculté de souffrir pour nous enseigner à ne pas vouloir faire souffrir les autres.

Georges Sand (Histoire de ma vie)

Charité envers les autres ; dignité envers soi-même ; sincérité devant Dieu. Telle est l'épigraphe de ce livre que j'entreprends. 15 avril 1847

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